Dépression corticale envahissante : origine de l'aura migraineuse

Dépression corticale envahissante : origine de l'aura migraineuse

10 November 2020

La dépression corticale envahissante : l'origine de l'aura migraineuse ?

La dépression corticale envahissante est probablement à l’origine de l’aura migraineuse. Plus la recherche avance, plus l’on pense que ce phénomène est peut-être même présent dans les migraines sans aura. Nous vous conseillons de lire notre article simplifié sur les mécanismes de la migraine avant d’entreprendre la lecture de cet article.

 

En quelques mots simples :

Le lien entre les facteurs déclenchants d’une crise de migraine et l’apparition de la douleur a toujours été le sujet le plus obscur dans la compréhension de la migraine. On sait que la multitude de facteurs déclenchants qu’ont répertorié les patients migraineux sont susceptibles d’hyper activer une zone profonde du cerveau que l’on appelle l’hypothalamus. Pour une raison encore inconnue s’ensuit une activation brusque de certains neurones dans différentes aires du cerveau suivi d’une période de silence. Cette activation brutale n’est pas encore totalement expliquée. Cependant, on sait qu’une multitude de neurones vont très rapidement s’exciter, on parle de dépolarisation, puis entrer dans une phase de silence. Cette dépolarisation massive va se propager progressivement de l’arrière du cerveau vers l’avant. C’est ce qu’on appelle la dépression corticale envahissante ; une dépression de neurones au niveau du cortex et qui progressivement envahit l’avant. Cette dépression corticale envahissante se produit essentiellement dans une zone où les neurones sont sensibles aux variations. Cette zone c’est l’aire visuelle, qui se trouve à l’arrière du cerveau. C’est peut-être pour cette raison que la majorité des auras migraineuses sont des troubles visuels. Si progressivement l’évolution de la dépression corticale envahissante atteint d’autres aires, les symptômes ressentis pourront être différents. Si la dépression corticale envahissante touche l’aire motrice, le patient peut ressentir des difficultés au mouvement. Si elle touche l’aire du langage, il peut s’agir de troubles de la parole. Ce qui est certain, c’est que cette dépression corticale envahissante va libérer massivement des protons. Les protons vont diffuser et venir stimuler des récepteurs de la douleur située au niveau des méninges, l’enveloppe qui entoure le cerveau. C’est le début de la phase de céphalées où la douleur est ressentie par le patient. Une théorie est que la dépression corticale envahissante existe même chez les patients qui ne souffrent pas d’aura migraineuse. C’est juste qu’elle se développerait dans des aires du cerveau qui n’entraînerait pas de symptômes ressentis par le patient. Elle serait donc présente, mais passerait inaperçue.

La dépression corticale envahissante, une histoire de migraine

En 1941, le professeur Lashley étudie son propre scotome visuel migraineux et le ramène à l’organisation architecturale du cortex visuel (Lashley 1941). Il estime alors qu’il correspond à une excitation corticale se déplaçant progressivement le long de l’aire striée à une vitesse de 3 mm/min, suivie d’une période d’inhibition. Trois ans plus tard, le neurophysiologiste Leao reproduit expérimentalement sur le cortex de rats et de chats un phénomène similaire, qu’il nomme dépression corticale envahissante (Leao 1944). La dépression corticale envahissante (DCE) peut être induite chez l’animal par de multiples stimuli physico-chimiques, comme des traumatismes directs sur le cortex, une déplétion en ions magnésium, une stimulation des récepteurs au glutamate ou un excès d’ions potassium et hydrogène dans le milieu extracellulaire (Ayata et al. 2015).

La DCE expérimentale correspond à une vague de dépolarisation qui s’étend par continuité dans la substance grise cérébrale à la vitesse de 3 à 6 mm/min (Somjen et al. 2001). Elle s’accompagne d’une interruption transitoire de l’activité neuronale de 5 à 20 minutes. Elle est exclusivement d’origine neuronale puisqu’elle peut apparaître en l’absence de toute structure vasculaire, mais s’accompagne cependant de modification du débit sanguin (Smith et al. 2007). Elle débute par une hyperactivité neuronale, brève et intense, responsable d’une augmentation du débit sanguin local (Ayata et al. 2015). Elle correspond à une libération massive d’ions potassiques et de glutamate dans le milieu extracellulaire, ainsi qu’à une entrée d’eau, de sodium et de calcium dans les neurones et les astrocytes (Costa et al. 2013).

 

La DCE : Un dysfonctionnement métabolique neuronal transitoire

Les neurones deviennent alors inactifs et inactivables et le débit sanguin diminue de 20 à 30 %. Il s’agit donc d’une hyperperfusion initiale fugace de quelques minutes, suivie d’un hypo-débit de 60 à 90 minutes (Ayata et al. 2015). Cette hypoperfusion est la conséquence d’un dysfonctionnement métabolique neuronal transitoire responsable des symptômes de l’aura. La plus grande fréquence des auras est visuelle, ce qui signifie que la DCE débuterait préférentiellement au niveau occipital, là où se trouvent les aires visuelles. Ceci serait dû à la particularité des cellules gliales dans le cortex occipital, plus sensibles aux variations du milieu extracellulaire (Shibata et al. 2017).

 

Hypoperfusion corticale

L’hypoperfusion cérébrale reste dans les limites de l’oligémie, il n’y a pas d’argument en faveur d’une ischémie tissulaire et le niveau d’oxygène reste normal. Il faut cependant préciser que l’hypoperfusion peut débuter avant l’aura, et qu’elle peut persister après celle-ci pendant la phase des céphalées (Unekawa et al. 2015). De plus, elle peut apparaître dans des crises de migraine sans aura. C’est exactement ce qu’a montré l’observation d’une patiente ayant eu une crise de migraine sans aura, alors qu’elle se trouvait en observation pour une épreuve d’activation cognitive.

Dès le début de la céphalée migraineuse, une hypoperfusion cérébrale postérieure de grande amplitude est apparue, qui s’est ensuite étendue vers l’avant au cours des mesures successives (Géraud et al.2015). Cette observation d’une hypoperfusion progressant des régions occipitales vers les régions temporales et pariétales a été mise en évidence à plusieurs reprises chez des patients (Ayata et al. 2015). Ainsi, la crise de migraine sans aura peut-être accompagnée d’une hypoperfusion corticale, similaire à celle observée lors d’une DCE chez des patients avec aura. Se pose alors la question du rôle de cette hypoperfusion dans le déclenchement de la DCE et de la crise de migraine. Si l’hypoperfusion est la conséquence d’une DCE, c’est que celle-ci passe inaperçue chez les patients avec des migraines sans aura.

Cette hypothèse semble toutefois improbable, du fait de la densité neuronale très élevée dans le cortex occipital. Une seconde théorie possible serait que l’hypoperfusion soit la conséquence d’un phénomène vasculaire primitif, qui surviendrait dès le début de la crise de migraine, avec ou sans aura et pourrait, selon son intensité et selon le niveau d’excitabilité corticale, provoquer ou non une DCE responsable alors d’une aura clinique. Cette vasoconstriction artériolaire pourrait être provoquée par l’activation de noyaux vasoconstricteurs du tronc cérébral, comme le LC et le NRM (Géraud et al. 2015).

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