Qu’est-ce qu’une migraine cataméniale ?
La migraine cataméniale est une migraine induite par la fluctuation des hormones au cours du cycle menstruel. Elles apparaissent généralement justes avant ou juste après les règles. On distingue la migraine menstruelle pure qui apparaît uniquement au moment des menstruations ; de la migraine induite par les menstruations où dans ce cas précis la patiente souffre également de migraine à d’autres moments du cycle. On résume donc la migraine cataméniale ainsi :- La migraine cataméniale pure: la patiente souffre d’une migraine une fois par mois au moment de la menstruation
- La migraine cataméniale induite : la patiente souffre régulièrement de migraine au cours du cycle, mais majoritairement lors des menstruations
Diagnostic de la migraine cataméniale
Pour définir les migraines cataméniales et établir un diagnostic précis, les crises doivent arriver deux jours avant l’apparition des règles ou jusqu’à trois jours après. Bien évidemment les autres critères de diagnostic de la migraine doivent être respectés : céphalées unilatérales et pulsatiles, qui évoluent par crise, associée à des nausées ou des vomissements, une sensibilité à la lumière ou bruit et aggravée par l’activité physique.
La migraine cataméniale avec aura
Que ce soit dans la migraine menstruelle pure ou dans la migraine cataméniale induite, la patiente peut associer des auras migraineuses.
L’aura migraineuse et un sous-type particulier de migraine dans lequel le patient décrit des troubles neurologiques associés. Le plus souvent il s’agit de troubles visuels, comme l’apparition de lignes hachurées dans le champ visuel de petites tâches, on parle alors de migraine ophtalmique. L’aura migraineuse peut cependant se manifester par d’autres symptômes tels que des troubles de la parole, les troubles de la motricité ou même de la sensibilité. L’aura migraineuse est la conséquence d’une excitation massive de neurones qui se propagent comme une onde ou une vague à la surface du cortex. Cette activation violente de certains neurones cause alors les symptômes neurologiques transitoires qui sont associés à l’aura migraineuse.
C’est seulement en 2018 que la migraine cataméniale avec aura a été officiellement inscrite parmi la liste des céphalées. Pour valider le diagnostic de la migraine cataméniale, il est nécessaire que la patiente produise une migraine au minimum deux fois tous les trois cycles.
Comment reconnaître une migraine cataméniale ?
Il est facile de reconnaître une migraine cataméniale lorsque celle-ci est dite pure. C’est-à-dire lorsqu’elle ne survient uniquement que lors des menstruations. Cependant, lorsque la patiente souffre régulièrement de migraine, il est parfois difficile de distinguer les migraines cataméniales des autres migraines. Même si ce point peut sembler futile, nous verrons par la suite que la prise en charge de la migraine cataméniale peut être différente de la migraine traditionnelle. Il est donc important de noter si certaines migraines sont spécifiques au cycle menstruel.
Pour cela, votre médecin vous conseillera de suivre un carnet de migraine. Ce journal doit répertorier l’ensemble des informations qui concernent votre crise de migraine, à savoir : la date et l’heure d’apparition de la crise, l’intensité de la crise, le facteur déclenchant possible et le traitement pris. L’analyse de ce carnet de migraine va permettre de faire le lien avec le cycle menstruel de la femme et de voir si des migraines apparaissent de manière régulière à proximité du jour des règles ou bien si les migraines proches des menstruations sont d’une intensité plus importante que les autres.
Reconnaître une migraine cataméniale permet de mieux appréhender le traitement de la migraine, nous verrons par la suite le rôle fondamental que peuvent jouer les hormones dans ces crises. Il est toutefois possible de moduler ou de limiter la variation hormonale grâce aux pilules contraceptives par exemple. Reconnaître la migraine cataméniale permet donc d’adapter précisément un traitement spécifique.
Quelles sont les causes de la migraine cataméniale
Les causes de la migraine cataméniale sont essentiellement hormonales. Il a été mis en évidence dans plusieurs études que les migraines menstruelles sont la conséquence de l’importante variation des œstrogènes. Rappelez-vous que la migraine est une intolérance du cerveau au changement. Toute variation importante peut entraîner le déclenchement d’une crise de migraine. C’est pour cette raison que les facteurs déclenchants de la migraine sont si nombreux (alimentation, stress, sommeil, environnement climatique, etc.). La variation brutale des hormones peut être considérée par le cerveau comme un changement, et donc participer au déclenchement d’une crise de migraine.
Le rôle des hormones œstrogènes et progestérones
La figure ci-dessous montre comment les œstrogènes évoluent lors du cycle menstruel. On observe que lors de la phase des menstruations, le niveau d’œstrogène de progestérone diminue considérablement.
Si les œstrogènes sont essentiellement incriminées dans l’apparition de la crise de migraine, plusieurs études tendent à montrer que la progestérone pourrait également jouer un rôle.
Dans le cadre d’une étude sur la santé des femmes étaient évaluées si le niveau d’hormones ou les variations diffèrent entre les femmes migraineuses par rapport à des femmes d’un groupe contrôle. Afin d'explorer l'hypothèse selon laquelle les femmes migraineuses présentent des profils hormonaux distincts, ils ont comparé les pics et les niveaux hormonaux quotidiens entre toutes ces femmes au cours du cycle menstruel. Il est intéressant de noter que, dans cette étude, il n'y a pas de différence significative entre les migraineuses et les témoins en ce qui concerne les pics d'œstrogènes ou les taux quotidiens moyens. En revanche, il existe une différence significative entre les deux groupes dans le taux de diminution des œstrogènes, en particulier à la fin de la phase lutéale, juste après l’ovulation.
De plus, chez les migraineuses, le taux de diminution des œstrogènes ne permet pas de distinguer les cycles avec et sans céphalée aiguë. Cette constatation suggère qu'une vulnérabilité neuroendocrinienne caractérise les femmes migraineuses et qu'elle pourrait faciliter le déclenchement de la crise migraineuse. Il est intéressant de noter que ces considérations physiopathologiques concernant les migraineuses par rapport aux témoins pourraient également sous-tendre la condition plus spécifique des migraineuses menstruelles. D'autre part, aucune relation évidente entre les fluctuations de la progestérone au cours du cycle menstruel et les crises de migraine n'a été trouvée dans cette étude.
Les œstrogènes également impliqués dans l’endométriose
La variation des hormones ovariennes et également impliquées dans la modulation de douleur chronique et particulièrement dans l’endométriose. Plusieurs études ont montré l’effet protecteur des œstrogènes contre l’apparition de la douleur. Ils ont une activité anti-inflammatoire naturelle. C’est également pour cette raison que leur diminution lors de la phase des menstruations peut faciliter l’apparition de l’inflammation et donc de l’acné ou de l’endométriose, etc. Dans le cas de la migraine, la variation des œstrogènes peut avoir un double impact : d’une part entraînait une variation importante pour le cerveau et donc être considéré comme un facteur déclenchant de la migraine et d’une autre part la diminution de leur taux facilite l’apparition de l‘inflammation et donc favorise l’intensité des migraines.
Les œstrogènes influencent les prostaglandines dans la migraine cataméniale
Il a été montré que la diminution des œstrogènes est susceptible d’entraîner une libération massive de prostaglandines. Les prostaglandines sont des protéines du système immunitaire qui favorise l’inflammation. Chez la femme elles sont massivement libérées lors de la phase lutéale du cycle, c’est-à-dire juste après l’ovulation. Lors de la phase des menstruations, la quantité d’œstrogène est au plus bas et donc la libération de prostaglandines est importante, ce qui favorise l’apparition de l’inflammation et donc des migraines.
Le rôle du CGRP et des neuropeptides sur la migraine menstruelle
La libération massive de prostaglandines liées à la chute du taux d’œstrogènes va engendrer la libération massive de neuropeptides. Parmi eux nous pouvons noter la substance P ou encore le gène lié au peptide de la calcitonine (CGRP). Ces neuropeptides sont impliqués dans le déclenchement des crises de migraine et le maintien de la douleur. Ils sont libérés par un système particulier que l’on appelle le système trigéminovasculaire. Ce système est impliqué dans l’innervation des méninges qui est l’enveloppe du cerveau et de ses vaisseaux sanguins.
Lors de la crise de migraine, ce système va libérer massivement ces neuropeptides qui vont entraîner une forte inflammation et en même temps une vasodilatation, c’est-à-dire une dilatation importante des vaisseaux sanguins. Cette réaction inflammatoire sur les méninges est à l’origine de la douleur ressentie par le patient. Les fluctuations hormonales chez la femme ont montré qu’elles influencent directement la quantité de CGRP contenue dans les systèmes trigéminovasculaires.
Une étude a également montré que le taux de CGRP retrouvé dans le plasma sanguin est nettement supérieur chez la femme que chez l’homme. Ceci confirme la corrélation avec le cycle menstruel et peut potentiellement expliquer pourquoi les femmes sont plus sujettes aux migraines que les hommes.
Combien de femmes souffrent de migraines cataméniales ?
Plusieurs études ont tenté de quantifier le nombre de femmes migraineuses souffrant de migraine cataméniale. On sait que 15 à 20 % de la population souffre de migraine, parmi ces patients les deux tiers sont des femmes. Une récente étude établie en Norvège sur 5000 femmes migraineuses a montré que cette, 6 % des femmes souffraient de migraine cataméniale. 6,1 % souffraient de migraine cataméniale sans aura et 0,6 % avec aura. Si l’on considère toutes les femmes, la prévalence de la migraine cataméniale serait autour de 1 %.
La migraine menstruelle au cours de la vie d’une femme
Lors de la grossesse
La relation entre le cycle menstruel et les migraines cataméniales peut évoluer au cours de la vie reproductive de la femme. Une étude rapporte que les migraines cataméniales apparaissent après l’âge de 30 ans de préférence. Au cours des grossesses, les femmes qui souffrent de migraines cataméniales ont rapporté des migraines beaucoup plus intenses au début de celle-ci. Durant le post-partum cette observation est identique. Comme chez la majorité des femmes, la phase du deuxième et troisième trimestre de grossesse est souvent signe d’une réduction importante de la fréquence des crises de migraine. Il s’agit d’une stabilité hormonale avec une dose élevée d’œstrogène qui protège la femme de l’apparition de nouvelles crises.
Lors de la ménopause
Des fluctuations importantes des taux d’œstrogènes ont lieu au cours de la périménopause, c’est-à-dire au moment où la ménopause commence à s’installer. Ces fluctuations conduisent à une diminution significative du taux d’œstrogènes. En conséquence, la majorité des femmes migraineuses déclare voir une intensification des crises de migraine durant cette période. Heureusement, lorsque la ménopause est installée, la stabilité hormonale entraine généralement une diminution de la fréquence des crises.
Comment traiter la migraine cataméniale ?
Traitement de crise et traitement de fond
Généralement les crises de migraine cataméniale ont plus de mal à répondre aux traitements de crises habituels de la migraine. De plus, il n’existe actuellement aucun traitement spécifique de la migraine cataméniale. Cependant, l’intensité de la douleur nécessite la mise en place d’un traitement efficace. Pour cette raison, un traitement de crises sera toujours prescrit au patient. Les triptans sont le traitement le plus courant. Il sera également nécessaire d’ajouter un traitement préventif, que l’on appelle également traitement de fond ou traitement prophylactique de la migraine.
À la différence du traitement de crises qui est pris pour stopper celle-ci quand elle arrive, le traitement de fond a pour but de diminuer progressivement la fréquence des crises. Généralement un traitement de fond doit être pris tous les jours et est évalué sur trois à six mois. Des études ont montré que l’association d’un triptan et d’un anti-inflammatoire non stéroïdien serait beaucoup plus efficace dans le cas des migraines cataméniales. L’ajout des anti-inflammatoires compense alors l’effet anti-inflammatoire des œstrogènes.
La pilule et les contraceptifs
L’utilisation de moyens contraceptifs hormonaux comme la pilule ou certains stérilets et un plan permettent de jouer sur la fluctuation des hormones. Pour cette raison il est indispensable que la patiente consulte son médecin ou son gynécologue dans le but de lui prescrire une contraception qui va stabiliser au maximum les œstrogènes et les variations hormonales. Cette phase du traitement nécessite parfois plusieurs mois d’adaptation et il est très rare d’y arriver au premier coup d’essai. Cependant il est important de persévérer, car le bénéfice peut être considérable.