Comprendre les douleurs de la fibromyalgie
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Temps de lecture 9 min
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Dans notre dossier « Comprendre la fibromyalgie », nous avons ici rassemblé l’essentiel concernant les causes, symptômes et diagnostic de la fibromyalgie.
Et si la pire douleur était celle qu’on ne voit pas ?
La fibromyalgie est une maladie chronique douloureuse, souvent invisible, mais bien réelle pour les personnes qui en souffrent jour après jour. Douleurs musculaires diffuses, fatigue intense, troubles du sommeil, hypersensibilité, anxiété, voire dépression : autant de symptômes qui altèrent profondément la qualité de vie.
En France, des milliers de personnes sont touchées par ce syndrome complexe, dont les mécanismes neurologiques restent encore flous. Chaque crise devient un combat. Chaque prise de parole un défi. Car expliquer sa souffrance, quand elle ne laisse ni trace visible, ni articulation enflée, reste un problème majeur.
Si vous êtes patient, proche, ou simplement en quête de compréhension, ce contenu vous aidera à mieux cerner la fibromyalgie, pour mieux la gérer, la reconnaître, et peut-être même, l’affronter autrement.
Sommaire
Chez les personnes atteintes de fibromyalgie, l’expression de la douleur chronique n’est jamais simple. Ce syndrome complexe, souvent invisible, exige un apprentissage social : comment parler d’une souffrance diffuse, sans signe physique, à une société qui valorise la performance, la maîtrise, la discrétion ? Pour beaucoup, cela devient une charge supplémentaire, qui complique la prise en charge médicale.
Dès l’enfance, on apprend qu’il ne faut pas trop se plaindre. Cet apprentissage comportemental influence notre rapport à la douleur à l’âge adulte. Or, chez les patients fibromyalgiques, cela peut freiner la reconnaissance des symptômes : fatigue, raideur musculaire, troubles du sommeil, ou sensibilité à la pression passent inaperçus, aggravant l’isolement social.
Dans la fibromyalgie, la douleur est bien réelle mais difficile à prouver. Ni IRM, ni prise de sang ne suffisent à l’objectiver. Pourtant, toute douleur exprimée existe : un principe fondamental de la médecine moderne. Valoriser l’écoute, l’évaluation clinique et le soutien psychologique reste essentiel pour améliorer la qualité de vie des personnes touchées.
La fibromyalgie est une affection chronique qui perturbe bien plus que le corps : elle fragilise les relations familiales. Les symptômes comme la fatigue, la douleur généralisée, la raideur musculaire, l'irritabilité ou les troubles du sommeil influencent le comportement de la personne atteinte, modifiant sa disponibilité émotionnelle ou physique envers ses proches.
Dans le quotidien, la douleur chronique peut empêcher une mère de jouer avec ses enfants, un partenaire de maintenir une intimité, ou une personne âgée d’assurer des interactions sociales simples. Cette charge de la douleur, invisible mais constante, affecte la qualité des activités quotidiennes et augmente le stress familial. L’autogestion de la maladie nécessite souvent des ajustements dans l'organisation domestique, avec un impact réel sur le soutien social perçu.
Certaines familles partagent une expérience commune de la douleur chronique (fibromyalgie, polyarthrite rhumatoïde, syndrome de fatigue chronique, etc.). Cette compréhension mutuelle peut favoriser l’échange de solutions : traitement médicamenteux (comme les antidépresseurs tricycliques), exercice physique adapté, régimes alimentaires, approches thérapeutiques complémentaires (yoga, pleine conscience, tai chi...).
Mais cette proximité peut aussi créer des tensions : chacun ayant son propre avis médical, ses outils d’autogestion, ses stratégies d’adaptation. Les études montrent que la perception de la douleur reste profondément subjective, influencée par le niveau cérébral, les facteurs hormonaux, le système nerveux central, et les facteurs émotionnels. Même au sein d’un cercle proche, gérer la douleur reste un défi individuel autant que collectif.
Un enfant pleure après être tombé en glissant sur l’herbe. Sa grand-mère le relève et lui dit : « Mais, ce n’est rien ! ». Le grand frère qui courrait après lui, lui dit « Fais pas ta chochotte ! » Ne rien dire, ne pas pleurer, faire comme si de rien n’était.
L’apprentissage de la réaction a adopté lorsqu’on a mal, commence tôt dans la vie. La réaction apprise est en décalage direct avec l’expression spontanée du ressenti de l’enfant. Elle constitue une façade sociale et valorise – ici négativement bien évidemment - l’expression de la douleur pour l’enfant, celui-là même qui deviendra homme/femme, puis personne âgée. L’adolescent reviendra peut-être sur cette règle apprise mais peut-être pas ou de manière incomplète.
Une petite fille se coupe le doigt avec une feuille de papier. Le doigt saigne, elle a mal. « Aïe ! ». Le père, voyant le doigt plein de sang : « Oh ! Mon pauvre coeur, viens-là que je regarde cette blessure. »
Attirer l’attention sur soi par le cri, la douleur exprimée et recevoir l’attention attendue. Le comportement est connu depuis toujours, il est instinctif diront certains. Le bébé pleure et crie pour appeler sa mère. En soi, il n’est pas différent du comportement spontané de l’enfant glissant sur l’herbe. Mais ici, ce comportement est valorisé positivement. Par là-même, la petite fille apprend qu’elle peut exprimer sa douleur et que cette expression lui permettra, au moins d’obtenir de l’attention et peut-être même d’être soulagée. Il est admis qu’elle le fasse. De là à dire que toutes les filles se plaignent pour obtenir de l’attention…
Il est bien évident que le cliché ne vaut pas toujours. Même apprise, cette conduite peut bien sûr être rejetée au cours du temps et une autre, plus en accord avec nos valeurs ou les attendus de notre âge, adoptée.
Suite à une acrobatie défendue, un enfant tombe et se blesse. Il a mal. L’adulte réagit avec un : « Ça t’apprendra ! ». La douleur devient alors plus qu’une sensation : elle prend le sens d’une leçon ou d’une punition morale.
Cette interprétation de la douleur comme conséquence d’un mauvais comportement n’est pas neutre. Elle révèle un schéma culturel profondément ancré, dans lequel la souffrance physique est perçue comme une forme de sanction.
Un jeune homme sportif pousse de la fonte et souffre pendant son entraînement. Il est fier de son travail sur lui, fier du travail sur son corps, fier de ce qu’il est capable d’endurer pour aboutir à son objectif. La douleur est consentie parce qu’elle est nécessaire au dépassement de soi. D’autres le regarderont en pensant : « pourquoi s’inflige-t-il cela ? ». Une piste pour comprendre les origines de cette posture serait notre culture religieuse. N’y trouverait-on pas par exemple, la douleur comme une voie de purification de l’âme et du corps ? Ce jeune homme est peut-être aussi l’enfant qui ne voulait pas devenir une chochotte, qui sait ?
« Quand on se réveille sans avoir mal nulle part, c’est presque un miracle », répondent souvent les personnes d’un certain âge, au traditionnel « Comment ça va, ce matin ? » L’auditoire s’intéresse alors soudain à l’âge de la personne en question, avant de formuler sa réponse.
Au-delà d’un certain âge, avoir mal deviendrait un attribut parfaitement normal. Être douloureux est alors banalisé. Là encore, les personnes concernées adopteront différentes stratégies en fonction de leur histoire de vie. Pour certaines, parler de leurs maux devient un véritable sujet de conversation, pour d’autres, la douleur ne vaut pas la peine d’être exprimée. L’apprentissage de la réaction a adopter continue jusqu’à la fin de la vie. Elle conditionnera aussi l’expression de la douleur chez la personne âgée, en plus de son éducation et plus généralement son histoire de vie.
En fonction de l’accueil réservé par les proches à la plainte, la personne douloureuse peut décider de se taire et de cacher sa douleur autant que possible. Incomprise, elle s’isole progressivement de ses proches et se comporte avec eux comme avec le reste du monde : en dire le moins possible. Un profond ressentiment envers eux peut en résulter. Des conflits sont également fréquents. Beaucoup prennent leurs sources dans une différence de point de vue concernant la manière dont la personne devrait faire face à sa douleur chronique. Le « bon » traitement, la prise de médicaments, la compétence du médecin ou encore le recours à un ostéopathe, à un acupuncteur ou à des méthodes de relaxation sont autant de sujets polarisants.
Mieux comprise, la personne peut choisir de dire ses maux, pour permettre à ses proches de comprendre son changement de comportement. Les membres de la famille peuvent alors l’aider lorsque la personne a mal. L’aide peut prendre des formes multiples, mais « ne pas en rajouter » est déjà considérée comme une attitude aidante. Le partage de son état douloureux avec les proches permet de continuer à vivre avec eux, sinon dans une certaine harmonie au moins dans une certaine authenticité, au regard de la douleur ressentie. Dans le cocon familial, le douloureux chronique dira qu’il a mal, qu’il souhaite se reposer, qu’il n’a pas envie de sortir, de parler, de regarder la télé ou d’avoir des relations sexuelles, alors qu’il éprouve des douleurs. Il pourra aussi dire qu’il ne peut pas s’occuper des enfants à certains moments par exemple. Si la situation se renouvelle régulièrement, il pourra mettre en route avec ses proches une organisation de vie différente pendant ses crises.
Chez les personnes atteintes de fibromyalgie, exprimer leur douleur chronique représente un défi majeur. Cette maladie fréquente, encore mal comprise, est associée à des symptômes diffus : douleurs musculaires, articulaires, maux de tête, sécheresse buccale, intestin irritable, ou encore troubles du sommeil. Mais au-delà de la souffrance physique, le plus difficile reste parfois de trouver les mots pour se faire entendre.
Décrire une douleur neuropathique, nociplastique ou généralisée, sans critères diagnostiques visibles, nécessite une précision quasi médicale : localisation, intensité, rythme, facteurs déclenchants … Faute d’un langage adapté, de nombreux patients ne se sentent pas reconnus, ni même crus, par leur entourage ou les professionnels de santé. Or, la perception de la douleur est profondément influencée par l’histoire de vie, les références culturelles, et le contexte social du patient… mais aussi de l’auditeur.
Ce décalage nuit à la prise en charge thérapeutique et à la gestion de la douleur. D’où l’importance des études cliniques, des outils d’auto-évaluation, et des stratégies d’adaptation (comme le soutien psychologique, la relaxation, ou l’activité physique régulière) pour mieux soulager la douleur et accompagner les personnes atteintes de fibromyalgie.
La douleur chronique observée dans la fibromyalgie ne résulte pas nécessairement d’une blessure visible. Elle s’explique par un réseau neurologique complexe, composé de fibres nerveuses de différents calibres, qui transmettent les signaux douloureux au système nerveux central à des vitesses variables. Ce mécanisme explique pourquoi un stimulus léger peut provoquer une douleur diffuse, intense, et persistante, même sans lésion des tissus.
Un exemple emblématique est celui des membres fantômes : après une amputation, certaines personnes continuent à ressentir une douleur liée à un membre disparu, parfois sous forme de brûlure ou de picotement. Ce phénomène illustre la plasticité du cerveau et de la moelle épinière, et souligne l’importance des mécanismes centraux dans les syndromes douloureux comme la fibromyalgie, où l’évaluation médicale reste souvent difficile.
Autre phénomène perturbant : la douleur projetée. Une douleur d’origine viscérale ou cardiaque peut être ressentie dans une autre région du corps (main, bras, omoplate). Dans le cadre du syndrome fibromyalgique, cette désorganisation de la perception rend la localisation des symptômes floue, retardant le diagnostic, et compliquant la mise en place d’un traitement de la fibromyalgie efficace.
Une meilleure compréhension de ces mécanismes neurologiques est essentielle pour aider à gérer la charge de la fibromyalgie, affiner les critères diagnostiques, et développer des stratégies thérapeutiques personnalisées, incluant des thérapies complémentaires, des techniques de relaxation, ou une stimulation ciblée du système nerveux.