Il existe une multitude de traitements utilisés dans la prophylaxie migraineuse, mais peu d’entre eux ont été correctement évalués méthodologiquement.
1. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II sont encore en cours d’évaluation. Les résultats préliminaires sont en faveur d’une efficacité de ces molécules (Tronvik et al. 2003). Le Lisinopril®, initialement utilisé contre l’hypertension artérielle, s’est avéré efficace pour réduire l’intensité et la fréquence des crises jusqu’à 20 % en moyenne (Schrader et al. 2001). Son mécanisme d’action n’est pas complètement établi. Il pourrait bloquer la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II, moduler l’activité sympathique et s’opposer à la libération des radicaux libres. La toxine botulique (Botox®) a fait l’objet d’une importante médiatisation dans le traitement prophylactique des migraines et particulièrement des migraines chroniques. Cet engouement est à considérer avec modération. Outre les quelques études montrant une diminution de presque deux jours par mois de céphalées dans la migraine chronique (Herd et al. 2018), de nombreux autres essais cliniques ne démontrent pas d’efficacité tangible (Jackson et al.2012; Puljak et al.2019). Par ailleurs ce médicament présente des effets indésirables graves. Il bloquerait la libération d’acétylcholine au niveau des jonctions neuromusculaires ou d’autres jonctions cholinergiques. L’agence européenne du médicament et l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santéil ont recommandé de ne pas prescrire cette substance pour cette indication. Le Botox bénéficie cependant d’une AMM dans le traitement des migraines en Angleterre.
2. La Coenzyme Q10
La coenzyme Q10 est le traitement recommandé (en association avec la L-carnitine et la L-arginine) pour traiter le syndrome de MELAS. Elle est aussi un cofacteur essentiel dans le mécanisme de la chaîne respiratoire. Son efficacité dans la prévention des migraines a été démontrée (Parohan et al. 2019) et constitue aujourd’hui le traitement alternatif naturel le plus utilisé. Aussi connue sous le nom d’ubiquinone, elle fait partie des substances nécessaires à la production d’énergie dans les cellules de presque tous les êtres vivants. Elle joue un rôle antioxydant important, protège les cellules contre les ROS et l’oxydation des acides nucléiques ou la peroxydation des lipides membranaires.
On lui attribue aussi des effets anti-inflammatoires, un rôle dans la réplication de l’ADN, dans le processus de réparation de l’ARN et dans la chaîne respiratoire. Plus particulièrement au niveau des mitochondries, où elle passe de sa forme oxydée à sa forme réduite, permettant de transférer des électrons d’un complexe enzymatique (NADH déshydrogénase) à un autre (cytochrome réductase). Grâce à ses multiples effets, l’ubiquinone est recommandée en complément alimentaire dans plusieurs pathologies neurologiques. Telles que celle de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique ou la sclérose en plaques. Son rôle essentiel dans le fonctionnement mitochondrial et la chaîne respiratoire fait de l’ubiquinone la candidate parfaite pour traiter les défaillances énergétiques du métabolisme dans les crises migraineuses. Une étude récente randomisée en double aveugle et contre placebo (Dahri et al. 2019) chez des patients migraineux a mesuré l’évolution de marqueurs inflammatoires suite à l’administration de 400 mg par jour d’ubiquinone. Après une mesure du CGRP, des interleukines IL-6 et IL-10 et du TNF-α, les résultats montrent une réduction significative du CGRP et du TNF-α chez les patients traités, ainsi qu’une diminution de la fréquence et de la sévérité des crises de migraine (Dahri et al. 2019).
3. Le magnésium contre la migraine
Si plusieurs études ont montré un déficit en magnésium chez des patients migraineux (Mauskop et al. 2002 ; Ramadan et al. 1989; Trauninger et al. 2002), se pose à présent la question d’un traitement à base de Mg2+. Une récente méta analyse publiée dans « Headache » a examiné 204 études cliniques sur l’efficacité du Mg2+ entre 1990 et 2016 (Von Luckner et al. 2018). Les méthodologies souvent biaisées ou les conflits d’intérêts avec des laboratoires pharmaceutiques n’ont permis l’analyse que de 5 études, considérées comme méthodologiquement fiables. En moyenne, le nombre de crises diminue de 22 à 43 % avec un traitement à forte de dose de magnésium. Comparée aux traitements préventifs, comme le propranolol, qui enregistre des diminutions entre 30 à 60 %, l’efficacité du Mg2+ a été classée en grade C, c’est-à-dire en « efficacité présumée ». Il faut cependant prendre du recul quant à ces résultats, le nombre d’études analysées étant encore faible et les méthodologies utilisées variables. L’intérêt du Mg2+ dans le traitement préventif des migraines réside peut-être dans une association avec des traitements conventionnels, ou dans un complexe associant la coenzyme Q10. Il existe également d'autres traitements naturels pour traiter la migraine
4. La vitamine B2 ou riboflavine
Les résultats de plusieurs essais cliniques soutiennent l'effet prophylactique de la supplémentation en riboflavine à forte dose sur les crises de migraine. Dans une étude ouverte (Boehnke et al. 2004), une supplémentation en riboflavine à haute dose (400 mg / jour) pendant 6 mois a entraîné une réduction de la fréquence des crises de migraine. Nambiar et ses collègues ont indiqué que la supplémentation en riboflavine (100 mg / jour) est tout aussi efficace et mieux tolérée que 80 mg / jour de propranolol (médicament prophylactique de référence) pour réduire la fréquence, la durée et la gravité des céphalées (Nambiar et al. 2011). Plusieurs autres études vont aussi dans ce sens (Maizels et al. 2004; Sandor et al. 2000). Sur la base de ces preuves, l’« American Academy of Neurology Guideline » a considéré que la riboflavine était « probablement efficace » (grade B) dans la prophylaxie de la migraine chez l'adulte (Holland et al. 2012). La « Canada Headache Society » a, elle aussi, inscrit la vitamine dans la liste des traitements préventifs fortement recommandés (Pringsheim et al. 2012). Les études menées chez les enfants utilisent des méthodologies souvent peu fiables, avec de faibles doses de riboflavine et des groupes de petite taille. L’ensemble des essais rapportent des résultats incohérents. Une première étude non contrôlée a indiqué qu’une forte supplémentation en riboflavine est efficace dans la prophylaxie des migraines pédiatriques (Condò et al. 2009), alors que deux autres essais randomisés et contrôlés ne montrent aucune différence significative entre le groupe traité et le groupe contrôle (Bruijn et al. 2010; MacLennan, et al. 2008). Il est toutefois précisé que la réponse placebo est supérieure chez l’enfant par rapport à l’adulte (Ho et al. 2009). Selon l’OMS, les doses recommandées de vitamine B2 tournent autour de 1 mg par jour chez l’enfant et 1.5 mg par jour chez l’adulte, sans qu’aucune dose maximale ne soit mentionnée pour réguler la supplémentation. Les traitements à base de riboflavine commercialisés dans le traitement de la migraine vont de 40 mg/jour à 400 mg. La riboflavine étant une vitamine hydrosoluble, elle est naturellement éliminée par l’organisme dans les urines en cas d’excès. Les effets secondaires connus se manifestent sous forme de diarrhées et d’une coloration jaune des urines.
5. La neurostimulation contre la migraine
La neurostimulation est utilisée en neurologie pour le traitement de maladies comme celle de Parkinson par exemple. Il s’agit d’un neurostimulateur installé chirurgicalement qui, par des impulsions électriques, va s’opposer à la transmission de la douleur. Cette technologie a récemment été adaptée pour stimuler le nerf grand occipital d’Arnold. Une électrode est implantée sous la peau à l’arrière de la tête, à la base de l’occiput. Celle-ci est reliée à un petit boîtier implanté au niveau de l’abdomen, qui stimule en permanence le nerf grand occipital. Chez 60 % des patients, ce traitement permet une réduction nette du nombre de crises et une amélioration significative de la qualité de vie (Reed 2012; Stanak et al. 2020). La neurostimulation du nerf grand occipital dans les céphalées chroniques quotidiennes réfractaires a permis de faire une grande avancée au niveau thérapeutique. Cette neurostimulation est dite interne, car elle nécessite un acte chirurgical pour implanter l’électrode. Elle ne s’adresse qu’aux patients ne répondant à aucun traitement médicamenteux. De plus, aucun remboursement par la Sécurité Sociale n’a été codé en France. À la suite de cette découverte et des premiers résultats positifs, plusieurs modèles de neurostimulation externe, dans laquelle les électrodes sont apposées directement au niveau de la peau, ont été mis au point (Lanteri-Minet 2018). En 2017, le neurostimulateur GammaCore® a obtenu une AMM pour la céphalée en grappe et en janvier 2018, les autorités de santé américaines ont validé une utilisation étendue pour soulager les douleurs liées aux migraines chez l’adulte. Plus récemment, la société belge Cefaly Technology a également reçu l’approbation de la Food and Drug Administration (FDA). Dans ce dispositif, les électrodes se situent au niveau des tempes et stimulent le nerf trigéminal. Le dispositif coûte entre 400 et 600 euros environ au patient (Stanak et al. 2020).
6. Relaxation, hypnose, rétrocontrôle et thérapies manuelles
Relaxation et biofeedback ont fait leurs preuves
Outre les médicaments de crises de fonds, toutes les techniques naturelles qui aident à se détendre pendant la crise permettent d’atténuer les douleurs. Elles permettent aussi de mieux gérer le stress et potentiellement, de réduire la fréquence des crises (Fauconnier et al. 2015). Les techniques de relaxation sont multiples et incluent la méditation, le yoga ou des exercices de respiration de sophrologie. Le sport fait également partie des activités apaisantes et une récente étude a montré qu’une pratique sportive régulière permettait de diminuer la fréquence des crises (Amin et al. 2018). La régularité semble le point essentiel, car une activité physique intense isolée peut aussi être un facteur déclenchant. Le rétrocontrôle (biofeedback) est de plus en plus utilisé et se base sur la mesure des fonctions organiques. Le but est d’apprendre au patient à repérer les variations physiologiques de son corps, telles que le pouls, la température cutanée, l’activité musculaire, puis à les contrôler pour les apaiser.
De nombreuses publications concluent à l’efficacité du biofeedback pour soulager les migraines (Nestoriuc et al. 2007). Qu’ils soient accompagnés d’une relaxation ou combinés à un traitement comportemental, les résultats indiquent une efficacité supérieure au groupe placebo. La méta-analyse de l’US Headache Consortium publiée en 2000 (Campbell et al. 2000) montrent que la relaxation, le rétrocontrôle combiné à la relaxation, les thérapies cognitives et comportementales ont une efficacité significative dans la prévention des crises comparées au placebo, avec une réduction de 30 à 50 % de leur intensité. De plus, ces effets semblent se maintenir sur plusieurs années et s’accentuent tant que le patient s’exerce. Beaucoup d’auteurs mettent en cause la fiabilité de ces études, dû essentiellement au fait que le groupe placebo est facilement repérable chez les patients. Quoi qu’il en soit, l’apaisement de l’esprit a un effet bénéfique au quotidien dans la gestion du stress et des douleurs. D’ailleurs, son efficacité a été décrite dès le deuxième siècle par Galen (Sacks 1999) et continue aujourd’hui d’être employée dans quasiment tous les services de prise en charge des douleurs chroniques.
L'hypnose médicale pour contrôler la douleur
L’hypnose médicale a souvent été étudiée dans les douleurs chroniques et la migraine (Michaux et al. 2004). Elle intervient sur deux axes : permettre au migraineux de contrôler ses émotions, qui constituent de puissants déclencheurs des crises, et quand celles-ci s’installent, de lui permettre de moduler sa douleur pour en réduire son intensité. Plusieurs études ont montré l’efficacité de l’hypnose dans la prise en charge des douleurs chroniques. Son efficacité est essentiellement liée à la production importante d’endorphines qui agissent comme des antalgiques naturels. Après un apprentissage plus ou moins long, le patient peut utiliser l’autohypnose. En s’exerçant régulièrement, il est capable de relâcher son corps et de moduler sa douleur seule.