Les membres fantômes et leurs douleurs
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Et si ressentir une douleur là où le corps n’existe plus permettait de mieux comprendre celles qui persistent sans cause apparente ? C’est tout l’intérêt de l’étude des douleurs des membres fantômes : ces sensations intenses, localisées dans un bras ou une jambe pourtant amputé(e), interrogent profondément notre rapport à la douleur, au cerveau, et à la mémoire corporelle.
Longtemps considérées comme purement psychologiques, ces douleurs ont aujourd’hui une explication neurologique : elles seraient liées à une réorganisation du système nerveux central, notamment au niveau du cerveau et de la moelle épinière. Cette découverte est précieuse, car elle permet non seulement de mieux cerner ce phénomène, mais aussi d’éclairer les mécanismes de la douleur chronique, comme celle que vivent les personnes atteintes de fibromyalgie.
Dans les deux cas, la douleur ne résulte pas forcément d’une lésion visible, mais d’une perturbation de la perception et de la transmission du signal douloureux. Ainsi, comprendre les douleurs dites «invisibles» passe par l’observation de ces phénomènes extrêmes.
Plonger dans le mystère des membres fantômes, c’est ouvrir une voie nouvelle pour reconnaître, expliquer et soulager des douleurs longtemps incomprises.
Généralement cette sensation diminue progressivement avec le temps. Mais parfois elle persiste plus ou moins durant toute la vie de l’amputé, et peut être réactivée par une blessure du moignon ou un autre accident. Ces sensations de membres fantômes ne se limitent pas à des membres amputés. Chez certaines femmes après une ablation du sein on peut retrouver des sensations de sein fantôme. Il en est de même pour les organes génitaux après une castration. Il peut également s’agir de toute la partie inférieure du corps après une section de moelle épinière par exemple. La sensation du membre fantôme est également courante après une anesthésie locale. Lors d’une anesthésie des nerfs qui innervent le bras, très souvent le patient ressent la présence d’un bras fantôme entier est intact, mais à un emplacement tout autre que celui du bras réel. De manière surprenante, si le patient regarde la position de son vrai bras, le bras fantôme semble se replacer d’un bon dans le vrai bras, qu’il peut quitter et retrouver, de façon intermittente, à mesure que l’anesthésie se dissipe. Ces observations étranges montrent qu’il existe une séparation entre les nerfs périphériques et la partie centrale de notre cerveau.
Ces douleurs fantômes se manifestent essentiellement par des sensations de fourmillements ou de brûlures dans la partie amputée. Mais parfois ces douleurs peuvent être beaucoup plus violentes, ce qui handicape de plus en plus le patient. Les douleurs des membres fantômes sont même la cause la plus courante des douleurs chroniques, dont le traitement se révèle extrêmement difficile.
Après une amputation, dans le cerveau du patient les neurones se réorganisent. Ceux qui étaient sensibles aux membres qui ont été amputés vont évoluer pour répondre à des stimulations tactiles d’autres parties du corps. On peut par exemple observer cette conséquence surprenante, qu’un attouchement du visage est ressenti comme s’il avait été effectué sur le membre manquant. On retrouve également ce phénomène chez les enfants qui sont nés sans membre. Ils ont également d’abondantes sensations fantômes alors même qu’ils n’ont jamais eu de membres. Cette observation suggère qu’il existe une représentation complète du corps au sein du cerveau de manière totalement indépendante des nerfs périphériques qui parcourent nos membres. Ceci témoigne également de l’extrême complexité de notre cerveau.