Glycémie, migraine et diabète : un lien à établir

Glycémie, migraine et diabète : un lien à établir

Écrit par : Remi SHRIVASTAVA

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Temps de lecture 9 min

Le cerveau et la glycémie

Le cerveau représente plus de 20 % de la consommation énergétique du corps. Les neurones, comme toutes les cellules, utilisent l’énergie sous forme d’ATP. Le principal substrat énergétique utilisé par le cerveau pour produire de l’ATP est le glucose. En cas de carence d’apport en glucose, les protéines et les lipides peuvent également être mobilisés pour contenter les besoins énergétiques du cerveau (Capeau et al. 2020).


En effet, après l'alimentation, en post-prandial ou post-absorptif, les réserves en glucose sont suffisantes pour alimenter le cerveau (glycolyse ou glycogénolyse). Lors d’un jeûne, après épuisement des réserves en glycogène, la néoglucogenèse est initiée en mobilisant les protéines pour la fabrication de glucose à partir des acides aminés. Lorsque le jeûne se prolonge, afin de protéger les protéines corporelles et donc la masse musculaire, le métabolisme des acides gras est enclenché. Contrairement au muscle, le cerveau ne peut pas utiliser les acides gras libres, car ils ne passent pas la barrière hématoencéphalique.


En revanche, les corps cétoniques produits à partir de la lipolyse représentent le deuxième substrat énergétique utilisé par le cerveau. Ce phénomène de cétogenèse survient également en cas de diabète secondairement à la carence en insuline, ne permettant pas l’utilisation du glucose par le cerveau (Capeau et al. 2020).

Hypoglycémie dans la migraine

En 1935, P.A. Gray et ses collègues observent que le patient diabétique présente des symptômes similaires au patient migraineux (Gray et al. 1935) comme la faim, la fatigue, une instabilité émotionnelle, des vertiges, une confusion mentale et des céphalées. Ils rassemblent alors plusieurs expériences de leurs confrères pour en analyser les résultats et mieux comprendre le lien entre migraine et diabète.


Premièrement, ils observent une fréquence des migraines plus importante le matin, à jeun ou après un exercice physique. Le taux de glucose (sucre) dans le sang de ces patients est diminué, suggérant une hypoglycémie transitoire ou un hyperinsulinisme. L’administration de 14 g de glucose suffit alors à diminuer progressivement la fréquence des crises.


Pour mieux comprendre le lien entre l’hypoglycémie observée et la migraine sur la santé, ils s’intéressent au régime cétogène, régime pauvre en glucides, mais très riche en lipides pour provoquer un état de cétose. Ce régime, utilisé encore de nos jours à visée amaigrissante, oblige le foie à fabriquer des corps cétoniques à partir des matières grasses alimentaires ou des réserves en graisse de l’organisme. Ces corps cétoniques deviennent alors la principale source d’énergie des cellules. Ils constatent chez les patients migraineux suivant ce régime que la fréquence des migraines est fortement diminuée.


Depuis, de nombreuses études ont montré l’efficacité de ce régime pour traiter la migraine, un lien qui souligne l'importance d'une alimentation adaptée au cas particulier des patients migraineux. et une récente méta-analyse de 2017 a conclu à un intérêt certain dans la prévention des crises (Barbanti et al. 2017).

L'administration de glucose pour limiter la crise ?

En 1971, une autre équipe constate que l’administration de sucre à haute dose (50 g) chez des patients migraineux entraîne une crise dans les 8 heures chez 60 % des femmes (Hockaday et al. 1971). Cette observation, confirmée à de nombreuses reprises depuis, est indépendante de la présence des auras ou de l’intensité de la migraine (Zhang et al. 2020). De même, l’administration d’insuline peut entraîner une crise de migraine dans les 2 à 3 heures (Pearce 1971; X. Wang et al. 2017). Le temps de latence entre l’administration de glucose ou d’insuline et l’apparition de la crise de migraine est le temps nécessaire à l’apparition de l’hypoglycémie.


L’injection de glucose agit comme un déclencheur et entraine une hyperglycémie, progressivement compensée par la sécrétion d’insuline, favorisant après quelques heures l’apparition d’une hypoglycémie, à l’origine du déclenchement de la crise. La comparaison de la réaction métabolique à la suite de l’administration du glucose entre le groupe migraineux et le groupe contrôle est surprenante. Seul le groupe des migraineux présente des taux d’acides gras libres et de corps cétoniques augmentés. Ces taux augmentent à l’apparition de la céphalée et continuent leur progression tout au long de la crise (Di Lorenzo et al. 2015; Gross et al. 2019).


Par ailleurs, les taux de glucose ou de glycérol ne diffèrent pas entre les deux groupes. Certains auteurs interprètent cette cétogenèse comme une réponse à la demande énergétique accrue des neurones du patient migraineux. Cette hypothèse est basée sur l’observation que la migraine est liée à un état hypoglycémique de base sur fond d’hyperinsulinisme ; dans ce cas, l’administration de glucose à forte dose va, après quelques heures, causer une hypoglycémie fonctionnelle bien plus importante, secondaire à une forte production d’insuline.


Durant la crise, la demande énergétique du cerveau, excédant souvent les niveaux normaux de glycémie, pousse les astrocytes à utiliser les corps cétoniques en substitution. Cette hypothèse est d’autant plus crédible que le taux de lactate (un alternatif au glucose utilisé aussi par les astrocytes) est retrouvé augmenté pendant la crise (Reyngoudt et al. 2011; Watanabe et al. 1996).

Migraine et diabète, quel lien avec la glycémie ?

Inversement, il a été montré que les patientes migraineuses ont un risque plus faible de développer un diabète de type 2 (Fagherazzi et al. 2019). Par conséquent, la diminution de la fréquence des crises de migraine chez des patients à haut risque de développer un diabète, comme ceux en situation d’obésité, pourrait être un signe d’une augmentation de la glycémie et d’un diabète débutant . Ainsi, l’augmentation progressive de la glycémie pourrait contrebalancer l’hypoglycémie sous-jacente des migraineux.


Enfin, l’hyperinsulinisme est un état qui a souvent été rapporté chez le patient souffrant de migraines ou de céphalées (Cavestro et al. 2007) et qui pourrait être la cause de l’état d’hypoglycémie sous-jacent retrouvé chez les migraineux. Le patient migraineux est donc au centre d’un système complexe, où les fluctuations de la consommation alimentaire et du métabolisme des glucides influencent directement la fréquence et la sévérité des crises. où la stabilisation de la glycémie par l’insuline joue un rôle clé.


L’hypoglycémie et l’hyperinsulinisme ont également été  corrélés à une augmentation de production de NO  (Gruber et al. 2010). Ce NO est en effet un puissant vasodilatateur impliqué dans le processus de la migraine ; il fait partie des espèces réactives oxygénées (ROS) à l’origine du stress oxydatif, mais serait aussi à l’origine de l’apoptose des cellules bêta du pancréas et donc, de la progression du diabète de type 2 (Kubisch et al. 1997)

Est-ce que trop de sucre peut donner des migraines ?

Est-ce que trop de sucre peut donner des migraines ? La question du lien entre la consommation de sucre et les crises migraineuses suscite un intérêt croissant dans la communauté scientifique. Des études épidémiologiques, telles que celles menées par l'Inserm, ont exploré le rôle potentiel des fluctuations de la glycémie comme déclencheur de migraines. Un taux de sucre dans le sang trop élevé ou une chute brutale peuvent affecter le cerveau, principal utilisateur de glucose, et provoquer des symptômes sensoriels intenses chez les individus migraineux. Les chercheurs, comme Fagherazzi et Leroux, ont mis en lumière que des comportements alimentaires riches en glucides raffinés pourraient augmenter la sévérité des crises. En effet, un pic glycémique suivi d'une baisse rapide pourrait être un déclencheur sous-jacent pour certains patients.

Est-ce que trop de sucre peut donner des migraines

Il est donc crucial d'adopter une alimentation équilibrée, avec un index glycémique stable, pour prévenir ces épisodes douloureux. Les professionnels de santé recommandent souvent aux patients migraineux de surveiller leur consommation de sucre et d'envisager des stratégies alimentaires adaptées pour réduire le risque de crise.

Est-ce que le diabète peut donner la migraine ?

Le lien entre le diabète et la migraine est un sujet de grand intérêt pour les chercheurs. 

Les fluctuations du taux de sucre dans le sang, qu'elles soient élevées ou basses, peuvent être des déclencheurs potentiels de crises migraineuses. 

  • En effet, une hypoglycémie ou une chute soudaine du niveau de glycémie peut provoquer des symptômes tels que des maux de tête intenses, souvent associés à la migraine. 
  • De plus, l'hyperglycémie, caractérisée par un taux de sucre élevé, peut également affecter le cerveau en perturbant son équilibre énergétique. Les patients migraineux doivent donc surveiller leur alimentation et maintenir un niveau stable de glycémie pour prévenir les crises. 
  • Des études épidémiologiques suggèrent que la gestion du diabète, par une diète équilibrée et l'administration appropriée d'insuline, pourrait réduire la fréquence et la sévérité des migraines.

En résumé, bien que le diabète ne soit pas directement responsable des migraines, il est clair que les variations glycémiques jouent un rôle significatif dans le déclenchement de ces crises chez certains individus. 


Quels aliments peuvent aider à réguler la glycémie et prévenir les migraines ?

Une alimentation à faible index glycémique, qui favorise une assimilation lente des glucides et aide à prévenir les symptômes de migraine, peut aider à stabiliser le taux de glucose dans le sang. Cela inclut des aliments comme:

  • les légumes
  • les légumineuses 
  • les grains entiers 

Ils évitent les variations brusques de la glycémie et peuvent ainsi réduire le risque de migraines.

Quels sont les symptômes quand on a trop de glycémie ?

Lorsque le taux de sucre dans le sang est élevé, plusieurs symptômes peuvent apparaître, signalant une hyperglycémie.

  • Les individus peuvent ressentir une soif intense et fréquente, accompagnée d'une envie d'uriner plus souvent que d'habitude.
  • Une fatigue inhabituelle peut également survenir, car le corps peine à utiliser le glucose comme source énergétique principale.
  • Des maux de tête persistants, parfois intenses, peuvent se manifester, augmentant la sévérité des crises migraineuses chez les patients migraineux.
  • La vision peut devenir floue, et des difficultés de concentration peuvent apparaître.
  • Dans certains cas, une perte de poids inexpliquée est observée, malgré une consommation alimentaire normale ou accrue.
Quels sont les symptômes quand on a trop de glycémie

Ces symptômes sont souvent associés à un manque d'insuline ou à une résistance à celle-ci, ce qui empêche le glucose de pénétrer efficacement dans les cellules. Il est important de surveiller ces signes et de consulter un professionnel de santé pour un suivi approprié et éviter des complications graves telles que l'acidose lactique ou des problèmes cardiovasculaires.

"La stabilisation de la glycémie joue un rôle clé dans la prévention des migraines."

Quelles sont les conséquences d'une hypoglycémie sur la santé ?

L'hypoglycémie peut entraîner divers symptômes, dont des maux de tête, des vertiges et une fatigue extrême. Si elle n'est pas traitée, elle peut également provoquer des crises de migraine chez certaines personnes. Il est recommandé de consommer des glucides rapides pour remonter rapidement le taux de sucre dans le sang en cas d'hypoglycémie.

Comment le taux de glucose influence-t-il les migraines ?

Le taux de glucose dans le sang peut avoir un impact significatif sur la fréquence et l'intensité des migraines. Des niveaux bas de glycémie, souvent observés à jeun ou après un exercice physique, peuvent déclencher des crises chez certaines personnes sensibles. Il est donc crucial de maintenir un taux de glycémie stable pour prévenir ces épisodes douloureux.


Le cerveau utilise majoritairement le glucose comme source d'énergie.

Une hypoglycémie peut déclencher des migraines.

Les régimes cétogènes réduisent les crises chez certains patients.

Les fluctuations glycémiques influencent directement la fréquence des migraines.

Les patients migraineux présentent souvent un hyperinsulinisme.

Foire aux questions

Le sucre peut-il déclencher une migraine ?

Oui, une consommation excessive de sucre peut provoquer une hypoglycémie réactionnelle, déclenchant des migraines chez les personnes sensibles.

Les migraines sont-elles plus fréquentes chez les diabétiques ?

Non, les patients migraineux ont même un risque réduit de développer un diabète de type 2, mais les fluctuations glycémiques peuvent aggraver les crises.

Quels aliments privilégier pour éviter les migraines ?

Les aliments à faible index glycémique, comme les légumes, légumineuses et grains entiers, sont recommandés.

Le régime cétogène est-il efficace contre les migraines ?

Oui, il peut réduire la fréquence des migraines en fournissant une source d'énergie alternative au glucose.

Comment reconnaître une hypoglycémie ?

Symptômes courants : faim, fatigue, vertiges, confusion mentale et maux de tête.

Rémi Shrivastava

Rémi SHRIVASTAVA

Rémi Shrivastava, docteur en neurosciences spécialisé dans les migraines et les douleurs trigéminales, est membre du centre de recherche INSERM Neuro-Dol, leader européen dans l’étude des douleurs chroniques. Conférencier à la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Clermont-Ferrand, il allie expertise scientifique et innovation grâce à une riche expérience en recherche sur les actifs naturels et leur impact sur diverses pathologies.