Les Anti-CGRP
|
|
|
Time to read 8 min
|
|
|
Time to read 8 min
Vous souffrez de migraine chronique sévère ? Vous avez tout essayé : topiramate, bêtabloquants, triptans, sans succès ? Les anti-CGRP, dernière innovation thérapeutique, pourraient bien être la réponse attendue.
Ces anticorps monoclonaux, administrés une fois par mois ou en perfusion intraveineuse, ciblent le CGRP, une protéine clé dans la genèse de la douleur migraineuse. Dans les études randomisées, ces molécules ont montré une efficacité significative, même chez les non-répondeurs aux traitements classiques. En prévention, leur mécanisme d’action spécifique permet de réduire la charge de la migraine, avec un taux de réponse élevé et une bonne tolérance.
Remboursés sous conditions en France, ces traitements nécessitent une prescription spécialisée, souvent en hôpital. Leur coût, leur mode de prise , leurs indications, tout est encadré, évalué, validé par la Commission de la Transparence, avec un avis basé sur le service médical rendu.
Dans cet article, découvrez pourquoi ces nouveaux médicaments ne sont pas une mode, mais une révolution clinique, qui change la vie de milliers de patients. Si vous souhaitez découvrir d'autre techniques pour soulager vos migraines, consultez l'article : "Comment soulager la migraine ?"
Sommaire
Il existe 2 types de traitement de la migraine. Le traitement de crise, visant à diminuer ou stopper la céphalée quand celle-ci a lieu. Et le traitement de fond qui, administré régulièrement, va permettre de diminuer la fréquence et l’intensité des crises. Dans les 2 camps, aucune nouveauté n'est apparue depuis des années. Du fait de la complexité de la migraine et d’une physiopathologie encore mal comprise. Plusieurs laboratoires pharmaceutiques étudient des anticorps monoclonaux anti CGRP. Les premières autorisations de vente arrivent. Nous faisons, dans cet article, un point sur l’évolution de ces nouveaux traitements prometteurs.
Mécanisme d’action ciblé et innovant
Les anticorps anti-CGRP (Calcitonin Gene-Related Peptide) ou anti-récepteur CGRP bloquent un peptide clé impliqué dans la genèse des crises migraineuses. Le CGRP est libéré autour des artères méningées pendant une crise, provoquant inflammation et douleur.
Indication en première intention pour les migraines fréquentes
La Société Française d’Études des Migraines et Céphalées (SFEMC) recommande désormais ces traitements en première intention chez les patients ayant plus de 4 crises de migraine par mois et qui sont réfractaires aux traitements conventionnels.
Efficacité démontrée et amélioration de la qualité de vie
Ces traitements permettent de réduire significativement la fréquence, l’intensité et la durée des crises, avec un impact positif sur la qualité de vie des patients, notamment ceux résistants aux traitements classiques
Le CGRP (Peptide Relié au Gène de la Calcitonine) est un neuropeptide largement exprimé au niveau du système nerveux central et périphérique. Puissant vasodilatateur, il est impliqué dans la transmission sensorielle. Identifié en 1982, son rôle dans la physiopathologie de la migraine est discuté depuis plus de 30 ans. Il est aujourd’hui unanimement reconnu. Il est exprimé par plus de 50% des neurones du système trigéminal. Le nerf trigéminal est à l’origine de l’innervation sensitive de la face, du cuire chevelu, des méninges. Il joue un rôle sur la vasodilatation des artères intracrâniales. D’où son appellation de système trigémino-vasculaire (STV). Le STV est un des éléments clés dans la physiopathologie de la migraine. Pour des raisons encore inconnues, lors d’une crise ce système est « hyperactif ». Une des conséquences est la sécrétion massive de substances inflammatoires, dont majoritairement le peptide CGRP. Bloquer ce peptide, revient donc à diminuer l’inflammation due à l’emballement du STV.
En 1985, des chercheurs ont découvert que quelque chose appelé CGRP pouvait être lié aux migraines. Le CGRP est une hormone qui aide à contrôler le calcium dans notre corps.
Le CGRP appartient à une famille d'hormones, y compris la calcitonine, qui se trouve dans notre cerveau et notre système nerveux. Les scientifiques l'ont trouvé dans plus de la moitié de certaines fibres nerveuses et dans diverses parties du corps, y compris les vaisseaux sanguins.
Le CGRP est donc reconnu comme un réel biomarqueur de la migraine. Par conséquent, il constitue actuellement une cible thérapeutique privilégiée conduisant à de nombreux projets de développement clinique.
Des antagonistes du CGRP ont montré des résultats positifs dans la diminution de la fréquence des crises. Ce sont les gépants (olcegepant et tolcagepant), malheureusement les essais pharmacologiques ont été interrompus en raison d’une forte toxicité hépatique. Récemment plusieurs laboratoires pharmaceutiques ont développé des anticorps monoclonaux ciblant le CGRP. Quatre anticorps monoclonaux sont en développement clinique dans le traitement prophylactique de la migraine avec des données d’études de phase 2 et 3 disponibles.
Ces anticorps sont : le LY2951742 (galcanézumab) issu de la recherche de Pfizer, mais développé par Arteaus Pharmaceutics et dont les droits d’exploitation ont été acquis par Eli Lilly. Le ALD403 développé par Alder Biopharmaceuticals, le AMG 334 (érénumab) développé par Amgnen en association avec Novartis et le TEV-48125 développé par Teva pharmaceuticals. Le LYS2951742, le ALD403 et le TEV-48125 sont des anticorps dirigés contre le CGRP en tant que ligand, alors que le AMG334 est un anticorps contre le récepteur du CGRP.
Le CGRP a la capacité d'élargir les artères, augmentant ainsi le flux sanguin dans le cerveau. Il le fait en travaillant avec une substance appelée AMPc. Mais même si le CGRP disparaît dans certaines parties du corps, cela ne semble pas affecter la pression ou le débit sanguin. Certains pensent que le CGRP pourrait jouer un rôle de protection en réponse à un rétrécissement des vaisseaux sanguins.
Se pose la question de l’efficacité de ces anticorps monoclonaux, car même si les premières études remontent à quelques années le recul sur les effets secondaires potentiels reste encore très faible.
Récemment, une méta analyse publiée dans « Brain & Behavior » a permis d’analyser un ensemble de résultats de plusieurs études indépendantes. Les résultats sont très encourageants, 37% des patients traités avec les anticorps ont eu une amélioration d’au moins 50% contre 20% dans le groupe placebo. L’étude LIBERTY publiée dans LANCET menée par le laboratoire Novartis (érénumab) est internationale, multicentrique, randomisée en double aveugle. Elle a pour but d’évaluer l’efficacité d’érénumab contre un traitement placebo. Au total 382 patients ont intégré cette étude. À 12 semaines, le nombre de patients ayant atteint une diminution d’au moins 50% du nombre de jours de migraine par mois (critère d’évaluation principal) était de 30% dans le groupe érénumab contre 14% sous placebo (p=0,002). La proportion de ceux atteignant une diminution d’au moins 75% ou de 100% était respectivement de 12% contre 4% (p=0,025) et de 6% contre 0%.
Plusieurs autres études menées par d’autres laboratoires sont actuellement en cours pour confirmer l’efficacité et la non-toxicité de ces nouveaux traitements. Il faudra encore quelques années afin d’avoir un recule nécessaire, mais déjà des autorisations de mises sur le marché sont validées. C’est le cas de Aimovig (érénumab), de Emgality (galcanézumab) ou encore Ajovy de Teva. Un quatrième anticorps, l’eptinezumab, devrait être autorisé courant 2019. Ces médicaments s’administrent principalement en auto-injection par voie sous-cutanée, à raison d’une injection par mois (érénumab, galcanezumab) ou par trimestre (fremanezumab).
Pour les personnes souffrant de migraines, des études ont montré que la stimulation d'une certaine partie du cerveau libère du CGRP. Pendant une crise de migraine, il semble que le CGRP soit la seule substance libérée en grande quantité. Il a été trouvé en grande quantité dans différents fluides du corps pendant une crise de migraine.
De plus, chez les personnes atteintes de migraines, donner du CGRP peut reproduire le type de maux de tête qu'ils ressentent pendant une crise. Le CGRP est également présent dans différentes zones du cerveau qui contrôlent la douleur, les nausées et d'autres fonctions.
Bien que nous ne comprenions pas encore parfaitement le rôle du CGRP dans le cerveau, il est clairement important dans le développement des migraines. C'est pourquoi beaucoup de recherches récentes se sont concentrées sur cette hormone pour traiter la migraine. Les scientifiques étudient actuellement des traitements spécifiques qui ciblent le CGRP ou son récepteur pour aider les personnes atteintes de migraines.
La stimulation électrique du ganglion trigéminal et du sinus sagittal supérieur induit une inflammation neurogène stérile de la dure-mère, c’est-à-dire sans microorganisme pathogène associé, avec une vasodilatation, une extravasation des protéines plasmatiques, une dégranulation des mastocytes et une agrégation des plaquettes (Burstein et al. 2010; Goadsby et al. 2017). Le volume sanguin extra cérébral augmente et des neuropeptides, à fort pouvoir vasodilatateur, sont libérés. On retrouve ainsi une augmentation du peptide apparenté au gène de la calcitonine (CGRP) dans les veines jugulaires, de substance P, du polypeptide activateur de l’adénylate cyclase hypophysaire (PACAP) et de peptide vasoactif intestinal (VIP).
La substance P est le premier neuropeptide à avoir été découvert dans les fibres sensorielles trigéminales en 1931. Il appartient à la famille des tachynines et est largement présent dans le système nerveux périphérique et central (May et Goadsby 2001). Il intervient dans la régulation des troubles de l’humeur, de l’anxiété, des nausées et plus particulièrement de la douleur, en se fixant sur les récepteurs endogènes spécifiques NK1. Il exerce alors une puissante action vasodilatatrice et une libération de bradykinine, histamine et sérotonine, contribuant à l’inflammation. La substance P réside principalement dans les fibres C trigéminales où elle cohabite étroitement avec le CGRP (Uddman et al. 1985). Une lésion unilatérale du ganglion trigéminal entraîne une diminution ipsilatérale significative de la substance P au sein des gros vaisseaux sanguins de la tête (Liu-Chen, Mayberg, et Moskowitz 1983). Elle n’est cependant pas présente dans toutes les fibres et très rapidement, l’hypothèse de l’implication d’autres neuropeptides a été émise (Liu-Chen et al. 1984).
"La substance P agit comme un puissant médiateur de la douleur et de l'inflammation, en partenariat avec le CGRP dans les fibres trigéminales."
La substance P, neuropeptide découvert en 1931, intervient dans la douleur et l' inflammation
Elle agit sur les récepteurs NK1, favorisant la vasodilatation et la libération d' histamine
En synergie avec le CGRP, elle contribue à l' inflammation neurogène trigéminale
Son rôle est étudié dans les migraines et autres troubles liés aux douleurs chroniques
Les anti-CGRP sont des anticorps monoclonaux qui bloquent soit le CGRP (une protéine impliquée dans la douleur migraineuse), soit son récepteur . Ils empêchent ainsi l’activation des voies responsables de la crise, sans effet vasoconstricteur.
Ils sont recommandés en prévention chez les patients souffrant de migraine chronique (≥15 jours de céphalées par mois), notamment en cas d’ échec ou d’intolérance aux traitements de fond classiques (comme le topiramate).
Quatre molécules sont actuellement disponibles :
Emgality (galcanézumab)
Ajovy (fremanézumab)
Aimovig (erenumab)
Vyepti (eptinézumab – en perfusion)
Tous sont soumis à prescription spécialisée avec remboursement encadré .